A Quoi Servent et Que Sont les Mathématiques ?






Jean-François COLONNA
[Contact me]

www.lactamme.polytechnique.fr

CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France

[Site Map, Help and Search [Plan du Site, Aide et Recherche]]
[The Y2K Bug [Le bug de l'an 2000]]
[Real Numbers don't exist in Computers and Floating Point Computations aren't safe. [Les Nombres Réels n'existent dans les Ordinateurs et les Calculs Flottants ne sont pas sûrs.]]
[N'oubliez pas de visiter Une Machine Virtuelle à Explorer l'Espace-Temps et au-delà où vous trouverez plusieurs milliers d'images et d'animations à la frontière de l'Art et de la Science]
(Site WWW CMAP28 : cette page a été créée le 03/10/2013 et mise à jour le 19/02/2024 13:36:54 -CET-)



[voir la version "arborescente" du plan de cette page]



Résumé : Souvent considérées comme inutiles, les Mathématiques, sans que nous en ayons toujours conscience, sont omniprésentes dans la vie courante (téléphone portable, DVD, MP3, photographie numérique, GPS,...). Mais elles sont surtout le langage de la Physique et leur redoutable efficacité dans ce domaine est peut-être un révélateur de leur nature profonde. Aujourd'hui, puissamment secondées par les ordinateurs, elles peuvent aussi être considérées, à côté du microscope et du télescope, comme un "instrument d'optique" qui chaque jour nous révèle de nouveaux et mystérieux aspects de notre Univers/Multivers. De nombreux exemples empruntés à la Mécanique Quantique, à la Mécanique Céleste ou encore à la Géométrie Fractale seront présentés. Le côté "obscur" des machines sera ensuite évoqué. Enfin, la nécessité de la recherche (fondamentale comme appliquée) sera rappelée, les différentes crises que nous traversons actuellement en soulignant l'importance vitale.


Mots-Clefs : Anaglyphes, Art et Science, Autostéréogrammes, Chaos Déterministe, Création Artistique, Entrelacs, Erreurs d'arrondi, Expérimentation Virtuelle, Génie Logiciel, Géométrie Fractale, Infographie, Mathématiques, Mécanique Céleste, Mécanique Quantique, Physique, Sensibilité aux Erreurs d'Arrondi, Simulation Numérique, Stéréogrammes, Synthèse de Phénomènes Naturels, Synthèse de Texture, Visualisation Scientifique, Voyage Virtuel dans l'Espace-Temps.


1-LES MATHEMATIQUES PURES, UN "SIMPLE" (ET INUTILE ?) JEU DE L'ESPRIT :



Pour commencer, nous définirons les Mathématiques comme un ensemble de symboles abstraits, de règles de manipulation et d'axiomes (c'est-à-dire des vérités de "base" admises par tous, pour leur évidence a priori ou a posteriori) à partir desquels seront démontrés des théorèmes (c'est-à-dire de nouveaux énoncés vrais) en suivant un chemin logique incontestable et vérifiable. Et face à une conjecture (on appelle ainsi un théorème non encore démontré, qui "résiste" et dont on pense qu'il est vrai, se rappelant qu'il est toujours possible de se tromper !), le travail du mathématicien consistera à en trouver une démonstration...

Au jeu d'échec, à côté des parties que l'on peut jouer contre un adversaire (homme ou machine...), il est fréquent, partant d'une certaine configuration de pièces sur l'échiquier, de se poser le problème suivant : comment faire mat en le moins de coups possibles ? Le résoudre n'apporte, en général, qu'une satisfaction intellectuelle.

Il en est de même en Mathématiques : elles puisent leur inspiration dans des problèmes bien souvent déconnectés du "réel" et dont l'utilité n'est pas évidente, ni a priori, ni a posteriori. En voici quelques exemples choisis parmi les plus "élémentaires" (à formuler...) et qui sont dits ouverts car non encore résolus :

Mais tous les problèmes ouverts aujourd'hui ne sont pas aussi simples à formuler. En août 1900, au cours du second Congrès International des Mathématiciens à Paris, David Hilbert dressait une liste de vingt-trois problèmes qu'il considérait comme les plus importants et les plus stimulants pour la recherche. Aujourd'hui plusieurs d'entre-eux ne sont toujours pas résolus et par exemple :

Il existe, malgré tout de rares exceptions à cette nature abstraite des grands problèmes. C'est ainsi que la Fondation Clay a dressé en l'an 2000 la liste des sept problèmes du millénaire (récompensés chacun par un prix d'un million de dollars) et parmi lesquels figure l'étude des équations de Navier-Stokes qui concernent très directement la Mécanique des fluides et donc des applications industrielles (aéronautique, météorologie,...).


Ces quelques exemples pourraient donc conforter l'idée que les Mathématiques ne sont qu'un inutile jeu de l'esprit. A l'aide d'un cas historique, montrons qu'il n'en est rien. Le théorème de Pythagore est connu et démontré depuis plus de 2500 ans. Remarquons au passage qu'il y a un peu de magie dans une démonstration : en effet, en procédant ainsi, une infinité de cas sont traités simultanément. Le théorème de Pythagore qui affirme que "dans tout triangle rectangle, le carré de l'hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés" [02] porte sur tous les triangles rectangles de la géométrie euclidienne, quelles que soient leurs proportions ou leurs tailles et ce alors que sa vérification est en toute rigueur impossible, en particulier de par le nombre infini de ces triangles [03], mais aussi à cause du fait que des mesures de longueur infiniment précises sont interdites par la Physique !


En notant X, Y et Z les deux côtés de l'angle droit et l'hypoténuse respectivement, le théorème de Pythagore peut s'écrire :
                     2    2    2
                    Z  = X  + Y
Partant de cette formule à quoi peut-on jouer ? Par exemple, considérer que cette relation est une équation à trois variables {X,Y,Z} et n'en chercher que les solutions entières. Ainsi, au II et IIIe siècle de notre ère vivait à Alexandrie le mathématicien Diophante qui se posait ce genre de problème (appelé aujourd'hui étude des équations diophantiennes en son honneur). Une partie de ses travaux, traduite du grec en latin au XVIIe siècle par Claude Gaspard Bachet de Méziriac, tombèrent entre les mains de Pierre de Fermat, magistrat au parlement provincial de Toulouse et mathématicien et physicien "amateur" de génie. L'équation précédente possède une infinité de solutions et par exemple la plus fameuse d'entre-elles :
                     2    2    2
                    3  + 4  = 5
ou encore :
                     2     2     2
                    5  + 12  = 13
                     2     2     2
                    8  + 15  = 17
                    (...)

Pierre de Fermat eut l'idé de généraliser cette équation de la façon suivante :
                     n    n    n
                    X  + Y  = Z     {X,Y,Z,n}  N     X.Y.Z # 0
et l'intuition qu'elle ne possédait pas de solutions entières {X,Y,Z} pour n>2 (ainsi que pour n=0 évidemment). Il crut l'avoir démontré comme l'atteste son annotation manuscrite dans la marge de son ouvrage, mais n'en ayant retrouvé aucune trace [04], il parait évident aujourd'hui qu'il avait commis une erreur et s'en était certainement rendu compte rapidement. Ce qui fut appelé "Grand Théorème de Fermat" (par abus de langage, puisqu'il ne s'agissait en fait que d'une conjecture) est resté dans l'histoire des Mathématiques : beaucoup de grands noms s'y sont "frottés" avec plus ou moins de succès (toujours partiels...) et il fallu attendre 1994 pour que Andrew Wiles [05] achève l'œuvre de ses prédécesseurs : trois siècles et demi d'efforts !

Or ce théorème n'a que peu d'utilité pratique [06] et cela pourrait donc encore conforter l'idée de l'inutilité des Mathématiques ! Mais évidemment il n'en est rien. En effet, d'une part le chemin parcouru au cours des siècles pour sa démonstration fut des plus enrichissant en établissant des ponts entre des domaines antérieurement disjoints. D'autre part, certaines applications concrètes ont vu le jour : c'est ainsi le cas des courbes dites elliptiques, essentielles pour arriver au résultat, et qui sont utilisées aujourd'hui en cryptographie...









2-LES MATHEMATIQUES APPLIQUEES A LA CONNAISSANCE DE LA REALITE :











3-ARTS ET MATHEMATIQUES, MATHEMATIQUES ET ARTS :



Créer ou chercher : il y a certainement assez peu de différences entre ces deux activités intellectuelles et il n'est sonc pas surprenant que les Mathématiques et les Arts entretiennent d'étroites relations.

Depuis des siècles les Mathématiques sont au service des Arts :

Mais les Arts peuvent aussi être au service des Mathématiques :

Cette rencontre peut aujourd'hui se prolonger avec la notion d'œuvre potentielle. Dans ce contexte, l'œuvre n'est plus l'image mais bien plutot le modèle mathématique sous-jacent qui contient en lui une infinité d'œuvres du même type [44], tout comme le compas contient une infinité de cercles. En voici quelques exemples :

  










4-CONCLUSION :



Les Mathématiques sont notre meilleur (et unique ?) "outil" pour approcher (asymptotiquement ou "fractalement" ?) la Réalité et il n'est pas impossible qu'elles soient cette Réalité. Alors, la Recherche en Mathématiques (et en Physique,...) est peut-être l'ultime aventure moderne... Au niveau de l'enseignement, au-dela de leur rôle sélectif, il conviendra de ne pas oublier leur rôle structurant fondamental.

Mais, certainement de façon utopique (voire naïve), peut-être vont-elles sauver l'Humanité. En effet, notre Terre va mal : besoin d'innovation [45], pollution, épuisement irréversible de nombreuses ressources naturelles, changement climatique,... Le besoin de comprendre ce qu'il se passe, de maîtriser, de prévoir les évolutions à long terme,... impliquent une description objective des phénomènes. Donnons deux exemples concrets : le premiet est relatif à l'énergie dont sa production par les filières nucléaires (quel que soit le bien ou le mal que l'on puisse en penser) est issue de recherches menées sur la structure de la matière au début du XXe siècle par des pionners [46] de façon très abstraite, grâce à la Mécanique Quantique. Le second est celui du 'GPS' qui ne fonctionnerait pas avec la précision qui le caractérise aujourd'hui si Bernhard Riemann ne s'était pas intéressé aux variétés éponymes et si Albert Einstein ne les avait pas utilisées comme base de sa Relativité Générale. Et toutes ces recherches sans applications a priori révélèrent les énergies titanesques tapies au cœur de la matière que l'Homme a su ensuite exploiter industriellement (et militairement malheureusement). Alors peut-être que les recherches sur les nombres premiers ou encore celles sur les dimensions supplémentaires de l'espace-temps, sans utilités pratiques a priori nous fourniront, elles-aussi, les clefs d'un monde meilleur...

Sans Recherche appliquée et fondamentale pas de Découvertes !








  • [01] - Il a été démontré par Kurt Gödel en 1938 que la négation de HC n'était pas démontrable dans le cadre du système axiomatique "standard" de la théorie des ensembles (ZFC -Zermelo, Frankel, axiome du Choix-), puis par Paul Cohen en 1963 qu'il en était de même pour HC. Ainsi HC est une proposition dite indécidable de ZFC et donc de nouveaux axiomes doivent être introduits pour pouvoir progresser. Les travaux actuels, en particulier ceux de Hugh Woodin, laissent entrevoir une solution définitive à ce problème fondamental (la théorie des ensembles constituant la base des Mathématiques).
  • [02] - Très simple à démontrer...
  • [03] - Et d'ailleurs est-il possible de dessiner ne serait-ce qu'un seul "vrai" triangle rectangle dont l'angle droit mesurerait exactement 90 degrés et dont les côtés n'auraient pas d'épaisseur ?
  • [04] - Ni dans ses notes publiées cinq ans après sa mort par son fils, ni dans la copieuse correspondance qu'il entrenait avec les plus grands savants de son temps (Bernoulli, Desargues, Descartes, Mersenne, Pascal, Wallis,...).
  • [05] - Sir Andrew Wiles après cet exploit.
  • [06] - Contrairement au théorème de Pythagore qui lui, sert en permanence à mesurer des distances.
  • [07] - A comparer aux 7.500 tonnes de la Tour Eiffel...
  • [08] - Un peu comme la compression JPEG des images n'est possible que parce que leur contenu n'est pas aléatoire.
  • [09] - Comme je le crois : "Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'œuvre de l'homme" (Leopold Kronecker, 1891).
  • [10] - On notera que c'est l'hypothèse de base du physicien en ce qui concerne les lois de la nature.
  • [11] - Ce n'est alors plus le physicien qui fait des Mathématiques, mais le mathématicien qui fait de la Physique...
  • [12] - En particulier au niveau de la mesure du temps, de l'espace,...
  • [13] - Ce que Galilée fit en son temps pour la chute des corps.
  • [14] - En particulier l'abbé Georges Lemaître.
  • [15] - Celui-ci a beaucoup évolué au cours des dernières années en y intégrant la Mécanique Quantique, le principe de l'inflation ou encore la notion de Multivers.
  • [16] - Paradoxe EPR -Einstein, Podolsky, Rosen-.
  • [17] - Et le théorème éponyme.
  • [18] - Respiration au niveau des alvéoles pulmonaires, fonctionnement interne des cellules,...
  • [19] - Soudure, fabrication des circuits intégrés,...
  • [20] - Par exemple, la propagation des incendies de forêts.
  • [21] - Il s'agit de la dimension dite fractale qui n'a aucune raison d'être un nombre entier.
  • [22] - Malheureusement, l'électronique n'existant pas encore, ce premier ordinateur mécanique était voué à l'échec.
  • [23] - En particulier de celui de la résolubilité des équations diophantiennes.
  • [24] - Il a déjà été noté au paragraphe 2.1 combien cela pouvait être difficile -et coûteux...- ; on ajoutera ici que ces "vrais objets", par exemple les particules élémentaires, peuvent être en fait très éloignés des mains et des yeux de l'expérimentateur.
  • [25] - Par exemple des positions.
  • [26] - Invention de la lunette astronomique.
  • [27] - Du temps, des positions,...
  • [28] - La trajectoire du Soleil dans notre ciel, l'immobilité apparente de la Terre telle que nous la ressentons,...
  • [29] - De revolutionibus orbium caelestium libri VI.
  • [30] - Y compris celle de la Terre évidemment.
  • [31] - La description mathématique du système solaire qu'elles permirent alors est d'ailleurs celle qui fut utilisée pour calculer ces quelques images.
  • [32] - C'est-à-dire en respectant la troisième loi de Kepler (le carré de la période de révolution est proportionnel au cube de la mesure du grand axe).
  • [33] - C'est-à-dire une droite qui est la position limite d'une sécante lorsque deux points d'intersection tendent l'un vers l'autre...
  • [34] - Propriété qui se rapporte ici à l'existence de la tangente.
  • [35] - Que Charles Hermite considérait d'ailleurs comme une plaie lamentable qu'il regardait avec effroi.
  • [36] - On dit aussi itérée.
  • [37] - Que l'on ne verra donc jamais exactement...
  • [38] - C'est-à-dire 4/3 élevé à la puissance 90.
  • [39] - Suivant les individus et l'âge.
  • [40] - A titre d'information, si une surface d'échange de 200 mètres carrés était réalisée à l'aide d'une sphère, celle-ci devrait avoir un diamètre de 8 mètres !
  • [41] - Que nous ne détaillerons pas davantage.
  • [42] - C'est-à-dire de ne pas permettre de démontrer à la fois une proposition et son contraire.
  • [43] - Ecrit en langage C, on n'en explicitera ni la syntaxe, ni la sémantique, mais pour en simplifier la lecture, sont mises en gras les parties essentielles.
  • [44] - Concept qui n'aurait certainement pas déplu à Jorge Luis Borges, auteur de La bibliothèque de Babel.
  • [45] - Le 'GPS' (Navstar Global Positionning System), fruit de l'union de la Mécanique Quantique, de la Relativité Restreinte et de la Relativité Générale, est certainement le meilleur exemple de l'apport des recherches les plus fondamentales aux technologies du quotidien...
  • [46] - Tels Niels Bohr, Louis de Broglie, Paul Dirac, Albert Einstein, Werner Heisenberg, Wolfgang Pauli, Max Planck, Erwin Schrödinger,...









  • Copyright © Jean-François COLONNA, 2013-2024.
    Copyright © CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641 / École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, 2013-2024.