Les Martiens font-ils des Mathématiques (et croient-ils en Dieu) ?






Jean-François COLONNA
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CMAP (Centre de Mathématiques APpliquées) UMR CNRS 7641, École polytechnique, Institut Polytechnique de Paris, CNRS, France

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Résumé : Sans toujours le savoir, nous vivons "immergés" dans les Mathématiques. Malgré cela, nous ignorons toujours leur nature profonde. Il s'agit-là d'une question transcendante dont la réponse complète ou partielle ne pourra donc venir que de l'extérieur et par exemple, d'une improbable rencontre avec des extra-terrestres.




Les Mathématiques sont partout !


Ainsi, dans vie courante, sans elles, pas de GPS. Attardons-nous un instant sur ce qui est aujoud'hui indispensable à beaucoup d'entre-nous. Le GPS [01] a été développé il y a une quarantaine d'années à l'initiative du Pentagone. A sa base se trouve un problème élémentaire de géométrie : comment obtenir la position d'un point P connaissant sa distance à N points de réfèrences ? Dans le plan (N=3) il suffit de calculer l'intersection de 3 cercles et dans l'espace (N=4) de 4 sphères. Mais comment transposer ceci à la surface de la Terre et en particulier comment obtenir la distance entre 2 points A et B ? Il "suffit" de mesurer la durée de propagation d'un signal électro-magnétique de A vers B. Et comme toujours, le diable est dans les détails ! L'objectif étant évidemment d'avoir une haute précision, il convient donc d'utiliser des horloges extrèmement précises et stables : c'est la Mécanique Quantique qui nous les fournit et s'il est une théorie dans laquelle les Mathématiques jouent un rôle prépondérant, c'est bien elle. Mais ce n'est pas tout : des physiciens avaient fort heureusement mis en garde les militaires du Pentagone en ce qui concerne les effets relativistes. En effet, les satellites étant en mouvement, leurs horloges subissent la dilatation du temps de la Relativité Restreinte [02], mais étant de plus en altitude et donc soumis à un potentiel gravitationnel plus faible qu'au niveau du sol, cette fois-ci, c'est à un phénomène inverse qu'ils sont confrontés dû à Relativité Générale [03]. Et là encore, les Mathématiques jouent un rôle essentiel : sans elles, tout simplement le GPS ne fonctionnerait pas correctement !


La situation est la même dans la recherche la plus fondamentale à tel point que l'on peut (que l'on doit !) considérer le Mathématiques comme un instrument d'optique virtuel qui nous révèle chaque jour de nouveaux points de vue sur la Réalité. On se souviendra, à titre d'exemple, des ondes gravitationnelles [04] annoncées par Albert Einstein en 1915. Prédiction mathématique donc, mais leur détection effective a demandé un siècle d'efforts (a priori désespérés de par la faiblesse des signatures attendues...) puisque il a fallu attendre le 14/09/2015 pour qu'elles soient observées pour la première fois sur les deux sites des interféromètres LIGO aux USA et là-encore, les Mathématiques ont joué un rôle essentiel aussi bien dans la conception de ces instruments [05] que dans l'analyse des signaux d'une amplitude incroyablement faible pour laquelle la contribution des mathématiciens français Thibault Damour et Yves Meyer fut essentielle.


Malheureusement, cette omniprésence semble ignorée de beaucoup de gens et en particulier de nos gouvernants : il suffit de se rappeler des récentes et malencontreuses réformes du baccalauréat, en ce qui concerne en particulier les Mathématiques, pour s'en assurer. Et cela est bien dommage car, en effet, faire des Mathématiques (et des Mathématiques Appliquées en particulier) c'est la garantie d'avoir une vie passionnante, un emploi, mais aussi d'être utile en ces temps où la réindustrialisation, les économies d'énergie, le nucléaire,... ont le vent en poupe !


Mais malgré ces succès et cette ubiquité, leur nature profonde nous est encore inconnue : on ne sait donc toujours pas si nos mathématiciens sont des "inventeurs" ou des "explorateurs". Je suis sûr que la réponse à cette question nous est inaccessible sans une aide "extérieure", comme c'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'autres qui nous transcendent [06] !


Dans ces conditions, les "Martiens" pourraient-ils nous aider à répondre à cette question ? La question peut paraitre saugrenue, tant leur existence est sujette à caution. En 1950, Enrico Fermi (Prix Nobel de Physique en 1938), lors d'un déjeuner avec plusieurs de ses collègues des laboratoires de Los Alamos (USA), s'étonna, étant donné l'âge de l'Univers, que la Terre n'ait pas encore reçu la visite d'extra-terrestres (en supposant qu'ils fassent preuve, comme nous, de curiosité et d'expansionnisme) : cette interrogation est aujourd'hui connue comme le "paradoxe de Fermi" et j'en donne une dizaine d'explications possibles et non exclusives l'une de l'autre. Mais quel est le rapport avec la nature des Mathématiques ?


Même si je suis convaincu que notre Terre n'est pas l'unique berceau de la vie dans l'Univers, la rencontre des "Martiens" me parait d'une part hautement improbable et d'autre part non souhaitable de par les risques encourus. Mais malgré tout, si arrivait sur Terre l'un de ces vaisseaux auxquels la Science-Fiction nous a habitué et si ses occupants étaient bienveillants et que le dialogue puisse s'établir, cela serait une magnifique opportunité de les interroger, en particulier, sur leur façon de comprendre et "maitriser" l'Univers : "Comme nous, faites-vous des Mathématiques ?" [07]. Dans le cas d'une réponse positive, nos mathématiciens seraient fort probablement des explorateurs et le débat serait peut-être clos [08], sans d'ailleurs que les "Martiens" sachent eux-mêmes ce que sont réellement les Mathématiques... Mais si non ? Quel bouleversement cela serait d'apprendre que cette compréhension et cette maitrise (effectives puisqu'ils seraient arrivés jusqu'à nous...) pourraient s'acquérir sans nos ensembles, sans nos nombres, sans nos chères équations,... Comment imaginer, par exemple, que l'on puisse ne pas compter et malgré tout identifier, par exemple, les lois d'invariance, puis atteindre les étoiles ? Serions-nous en mesure d'appréhender ces vérités, avec un esprit nécessairement limité et conditionné par notre environnement terrestre ? La réponse est certainement négative.


Mais malheureusement (ou heureusement ?) il y a peu de chance que nous assistions à cette rencontre et que nous soit ainsi enfin révélée la nature profonde des Mathématiques...




  • [01] - Global Positionning System.
  • [02] - Albert Einstein (1905).
  • [03] - Albert Einstein (1915).
  • [04] - Il s'agit de "frémissements" de l'espace-temps provoqués par des événements cataclysmiques, par exemple, la collision/fusion de deux trous noirs ou encore de deux étoiles à neutrons.
  • [05] - LIGO, sans oublier VIRGO en Europe et d'autres sites actuellement en construction ailleurs dans le monde.
  • [06] - Quelques exemples : "Pourquoi y a t'il quelque choses plutot que rien ?", "Y a t'il un Créateur de toute chose et si oui qui l'a créé ?", "Où est l'Univers ?", "Qu'est ce que le Big Bang ?", etc...
  • [07] - D'autres questions, au moins aussi pertinentes, pourraient leur être posées et en particulier : croyez-vous en Dieu ?
  • [08] - Ces deux conditionnels sont là pour souligner d'une part qu'il est impossible d'exclure le cas de l'invention des mêmes "outils" de part et d'autre des gouffres du cosmos. D'autre part, il convient de noter que les mathématiciens pourraient être à la fois des "explorateurs" (des structures les plus fondamentales) et des "inventeurs" (des "étages" supérieurs) ainsi que l'écrivait Leopold Kronecker en 1891 : "Dieu a fait les nombres entiers, tout le reste est l'œuvre de l'homme".



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